Tuesday, September 9, 2008

On est pas des brebis!

En juillet, j’ai écrit une lettre ouverte dans l’Acadie Nouvelle portant sur le droit à l’avortement. C’était pour défendre le Dr. Morgentaler et sa médaille de l’ordre du Canada. Mon papier a été publié dans l’édition du samedi comme lettre de la semaine et j’en étais pas peu fière!

 

Voilà que deux mois plus tard, le sujet redevient d’actualité mais cette fois, chez nos voisins du Sud, et pas parmi les plus neutres. Bristol Palin, la fille de la colistière républicaine Sarah Palin est enceinte et célibataire à 17 ans.

 

John McCain, qui dit avoir su le fond de l’histoire avant d’avoir choisi sa colistière, s’est pourtant ouvert toute une boite de pandore. Soit il voulait faire tout le mal possible à sa propre campagne, soit il est franchement stupide. En tout cas, les médias et les critiques s’en donnent à cœur joie. Les républicains crient aux médias subjectifs (et trainer Michelle Obama, Chelsea et Bill Clinton dans la boue, c’est ok? Associer Barak Obama aux Black Panthers et à des islamistes radicaux, c’était objectif?). Les médias ont toujours l’air plus objectif quand ils ont la même opinion que nous. Très franchement, j’aime pas jouer la même game de sale que les républicains ont joué avec Bill, surtout pas quand ça concerne une toute jeune fille.

 

Qu’est ce que la colistière du candidat républicain à la présidence américaine vient faire dans  le blog d’une acadienne ouvertement gauchiste?  C’est que cette belle canne de vers vient d’ouvrir une brèche grosse comme le détroit de Béring dans l’idéologie moralisatrice non seulement des républicains américains mais de toute la droite occidentale.

 

Palin, gouverneure de l’Alaska (pff, et y disent que le Canada, c’est le milieu de nulle part), est farouchement contre l’avortement et refuse toute éducation sexuelle dans les écoles à part l’abstinence (sans parler qu’elle tient à ses fusils d’assaut comme un macho minable qui a une faiblesse « on-sait-où » à compenser). Or, la grossesse de Bristol Palin prouve quelque chose que l’on dit depuis longtemps; l’abstinence marche, en théorie. C’est un très bel idéal qui tire de la sainteté mais c’est un idéal auquel les jeunes n’ont pas tous la force de se conformer (à moins de les marier à 14 ans, comme dans le temps de ma grand-mère).

 

Interdire l’éducation sexuelle et les condoms de peur d’inciter les adolescents à avoir des relations sexuelles, comme le prônent le pape et madame Palin, revient à interdire les ceintures de sécurité et les sacs gonflables dans les autos de peur d’inciter les gens à conduire dangereusement. Le Sida fait rage et il nous faut une solution pragmatique et non une utopie pour y faire face. Les adolescents, s’ils ne sont pas a la hauteur d’être de parfaits petits ascètes asexués, castrés et plates comme leurs parents leurs demandent, ont le droit de se protéger d’une maladie. Beaucoup se servent même du Sida comme un bonhomme-sept-heures qui viendra tuer les pauvres petits chérubins adolescents s’ils osent devenir de méchants démons sexués. Ben oui, la chasteté est une vertu mais la chasteté imposée par la peur, ce n’est pas du respect de soi mais tout simplement se faire mentir, être tenu en laisse dans l’ignorance par les plus grands. Ce n’est certainement pas grandir.

 

Pour ce qui est de l’avortement, je comprend mieux la position conservatrice. En cas de danger pour la vie de la mère lors d’une grossesse non désirée, mieux vaut un beau petit bébé rose que de garder en vie une traînée qu’a pas su se fermer les jambes ( j’ai jamais été aussi sarcastique de toute ma vie).

 

L’idée que McCain a peut-être eu de récupérer le vote féministe avec un colistier qui a beau avoir un vagin mais qui considère chaque femme (à part elle-même, bien-sûr) comme un simple utérus sur pattes est franchement une insulte à l’intelligence tant des féministes que des républicains.

 

Mais sérieusement, je comprends les objections pro-vie. Personne d’entre nous ne se souvient de la journée, de l’heure, de la minute où, dans le ventre de notre mère, nous sommes devenus des êtres pensants. C’est pour ça que je pense qu’il faudrait conscientiser les gens face à l’avortement, leur faire comprendre que ce n’est pas un caprice mais la dernière des dernières portes de sorties quand il ne reste plus d’autre solutions. Le droit à l’avortement est une bonne chose mais le fait qu’on ait à s’en servir si souvent n’en est pas une. Il n’y a pas une femme au monde qui sabre le champagne en se faisant avorter. Elle est bien consciente que c’est une vie en devenir qui est interrompue. La plupart pleurent même et en sont psychologiquement marquées à vie. L’image naïve et manichéenne de la femme sèche qui jette son fœtus à la poubelle est, à mes yeux, un cruel manque de compassion envers des jeunes filles qui elles, à défaut d’être de parfaites petites saintes Vierges, souffrent certainement. Elles choisissent de se faire avorter parce qu’elles ne voient pas d’autres portes de sortie. Si on leur ferme la dernière, elles vont l’emprunter quand-même, un fil de fer planté entre leurs jambes couvertes de sang. Si on veut vraiment que ces « irresponsables » gardent leur bébé, il faut les diriger vers d’autres portes de sortie plus éthiques dont plusieurs leurs sont bloquées par notamment par le « qu’en-dira-t-on » puritain mais aussi par des raisons psychologiques.

 

La contraception entraîne un taux de nativité bas, ok, parce que les gens choisissent de ne pas avoir d’enfants dès qu’on les met en charge de leur fertilité. Pourquoi? Parce qu’on panique devant la responsabilité de parent une figure d’autorité. On idéalise le jeune simili-marginal un peu baveux face à la figure d’autorité rabat-joie qu’est le parent, Devenir parent, c’est vieillir et c’est cette peur de vieillir, d’avoir un pied dans la tombe qui chasse certaines femmes de la maternité. Raison superficielle mais cette peur touche toute la société; le rôle de parent n’est plus mis en valeur chez une civilisation d’éternels ados.

 

L’autre problème qui pousse à l’interruption presque systématique de la plupart des grossesses non (consciemment) désirées, c’est cette vision selon laquelle tout ce qui n’est pas rigoureusement contrôlé au quart de tour ne peut pas être bon. Or, la fertilité n’est pas si facilement que ça. On a beau crier « un enfant si je veut », parlez-en à toutes les femmes dans la quarantaine qui essaient de concevoir et vous vous rendrez compte qu’on a beau faire ce qu’on veut, c’est la nature qui est la patronne.

 

Aussi, ce que l’on veut n’est pas toujours ce qu’on a besoin. On gaspille une énergie folle à entretenir des pelouses-tapis taillées comme le dessus de la tête d’un marine. On en vient à détester l’irrégularité poétique du trèfle, on veut éradiquer les pissenlits honteusement naturels dont la petite tête jaune casse ce vert morne et uniforme. On est tellement obsédés par la recherche de la beauté et du bonheur qu’on oublie de les apprécier quand ils passent. Ça me rappelle une sorte de rosier sauvage. La plus belle petite fleure rose au cœur jaune et qui pousse dans un dépotoir. C’est parfois la même chose pour un enfant.

 

Évidemment, un bébé n’est pas une panacée. Ce n’est pas à lui de veiller sur nous mais à nous de veiller sur lui. Cependant, pour certaines personnes, avoir un petit être à qui donner, sur qui veiller, peut donner un sens à la vie. Donner à quelqu’un d’autre, pour une fois. Sur ce point, fonder une famille peut constituer un antidote au matérialisme ambiant qui ne mène nulle part. Tout trésor matériel (lire; maison, auto, bébelle technologique) perd sa valeur dès qu’on l’a. On ne le veut plus! Un enfant, c’est autre chose. C’est quelque chose de transcendant, participer à quelque chose de plus grand que nous, qui sera là après notre mort et qui se souviendra de nous plus tard. C’est participer à la vie elle-même plutôt que de faire tout simplement des fioritures autour.

 

C’est beau avoir un enfant mais ce n’est pas non plus une tâche surhumaine qui doit se faire en milieu stérile sans aucun imprévu. Il ne faut pas avoir peur de tout gâcher. Vos parents n’étaient pas des dieux, quoi que vous en pensiez (Ô oedipe, quand tu nous tiends!),  pourtant ils vous  ont bien élevés.  Il y a certainement eu des épreuves mais les épreuves forment l’essence de la vie. Chacune d’elles est un coup de ciseau dans la pierre qui transforme un bloc de marbre primordial sans âme en une sculpture, œuvre d’art.

 

Justement parce que ce sont les épreuves qui forment le caractère et la personnalité, un fœtus n’est pas encore un humain, pas encore. C’est déjà une formidable petite machine, un cœur qui bat. C’est une vie, mais pas encore une vie humaine. Par contre, elle peut le devenir. Une vie, une âme, c’est bien plus qu’un corps.

 

Une âme est faite parce que la vie fait voir à une personne, ce que ses parents lui inculquent comme valeurs. Un vrai parent, ce n’est pas celui ou celle qui se contente de faire un corps mais qui transmet des valeurs à son enfant. Un être humain est constitué de trois dimensions; corps, âme et intellect.

 

Cependant, faire un corps, ce n’est déjà pas rien. Un fœtus n’est pas encore un humain mais il pourrait le devenir. C’est pour ça que l’avortement ne doit jamais être pris à la légère.

 

L’être humain est fort complexe mais le discours religieux de droite le voit d’une manière désespérément simpliste, voire avilissante; une machine à se reproduire. Ainsi, le Deutéronome et la plupart des télévangélistes dénoncent l’homosexualité comme contre-nature parce que ne pouvant pas mener à la reproduction. Il croient que tout sexe non-reproductif écarte l’être humain de sa raison d’être; se reproduire. Une telle vision écarte de l’équation le sacro-saint amour qui rend le sexe tolérable aux yeux de la plupart des bien-pensants. Faire l’amour, même avoir une aventure d’un soir, est bien plus qu’un simple échange d’ADN. Deux personnalités, des traits de caractères, des âmes entrent en ligne de compte. Et de même, pour trouver un conjoint ou un « partenaire de vie » il y’a des gouts,  des besoins émotifs, une histoire de vie, toute une psychologie qui sont impliqués. Les nier, c’est faire de l’être humain un « breeder », une simple machine, plus basse encore qu’un animal, auquel ils répugnent à admettre notre affiliation.

 

Ils supposent que tous sont faits pour se reproduire. C’est aussi tout un manque d’humilité de prétendre connaître la raison d’être de l’humanité et de réprimander quiconque ne s’y conforme pas ou n’en a pas la même idée. Qui peut prétendre le faire? Bien malin est celui qui sait ce que le bonhomme d’en haut avait en tête en créant Adam et Ève!

 

Peut-être que la nature (ou Dieu) a conçu l’homosexualité justement comme un moyen de soustraire quelques-uns d’entre nous au devoir d’élever une famille pour leur permettre de consacrer leur vie à autre chose. Par exemple, il y’a beaucoup d’homosexuels dans les milieux des arts et de la religion, on n’a qu’a penser à plusieurs prêtres catholiques (c’est justement pour qu’ils puissent consacrer plus de temps à leur sacerdoce que l’Église empêche les prêtres de se marier) et à de grands artistes comme Tchaikovsky, Léonard de Vinci, Michel Tremblay. Rien n’empêche un hétérosexuel d’exceller dans les mêmes domaines mais est ce que les grandes œuvres de ces artistes auraient été pareilles sans leur côté homo?

 

Quoi qu’il en soit, ce haut niveau de complexité est ce qui nous rend supérieurs aux animaux. C’est ce qui nous rend sacrés. La Bible elle-même n’aurait pas été écrite si quelqu’un un jour, non content d’une vie limitée a un rôle reproductif, ne s’était pas demandé s’il n’y avait pas autre chose, un Dieu. Versailles, la Tour Eifel, ont été fait pour impressionner. Newton, Galilée, Einstein, ont travaillé pour mieux comprendre le Monde. La citadelle de Québec, l’homme su la Lune, ont été mis là par le simple désir, assez stupide, de se montrer supérieurs aux autres. Même des passions condamnées par la religion, des passions à première vue nuisibles, contiennent pourtant les racines de ce qu’il y’a de mieux dans l’être humain. Toute forme de civilisation ne serait pas là si l’être humain s’était contenté d’être une simple bonne petite brebis qui ne fait que dormir, boire, manger et se reproduire tout en obéissant aveuglément certaines personnes qui prétendent parler au nom de Dieu.

 

On est pas des brebis, on est mieux que ça.

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